La toile des Techs:Emergence d'un nouvel outil pédagogique libre
Créée un an plus tôt dans une optique de simplification de la fresque des low-techs, la variante remixant des cartes préexistantes a continué à évoluer pour devenir en décembre 2024 un outil indépendant désormais nommé "La toile des techs". Généalogie d'une naissance dont l'émergence n'aurait pu advenir sans le choix délibéré initial de la licence libre comme principe de diffusion.
A l'automne 2023, la communauté de la fresque des low-techs décide de se lancer dans un fresquathon afin créer une dynamique autour de l'outil. Membre d'une association locale de permaculture, je décide, comme m'y autorise la licence, d'adapter l'outil en une variante plus courte et simple à comprendre. Objectif ? Libérer du temps en fin d'animation pour discuter des applications possibles dans les domaines du jardinage et de l'alimentation, nos deux thèmes de prédilection. Je divise par deux le nombre de cartes et révise en partie le système de jeu pour l'accélérer.
A chacune des deux séances en présentiel, j'interroge les participants sur l'outil mis en œuvre, partage les retours avec les membres de la communauté et adapte le jeu en fonction. L'idée au sein du collectif : produire une deuxième proposition d'animation pour transmettre de la connaissance et provoquer des échanges autour de la low-tech.
En début d'année 2024, je teste la nouvelle narration lors d'une conférence pour une deuxième association locale dont je suis membre également. Ma vision de la façon de transmettre s'affine grâce aux échanges avec le public. S'ajoute ma recherche documentaire que je focalise sur le sujet. Au mois de mars, j'utilise une nouvelle version avec des photos en présentiel avec des élèves du supérieur.
Une animation à distance low-tech[modifier]
La fresque de low-techs se développant principalement grâce à des visios énergivores, je souhaite alors proposer une animation à distance low-tech, sans connexion à Internet. Je propose ainsi au mois de mai 2024 trois animations en distanciel pour éprouver le concept "détox ta fresque" en petit groupe. Des pictos remplacent toutes les photos et le système du jeu change totalement pour s'adapter aux contraintes du support. Il s'agit d'une petite révolution sur le fond et sur la forme de l'outil.
Suite à cette refonte, des membres de la communauté de la fresque s'approprient le nouvel outil, comme la licence libre les y autorise mais surtout les y encourage, et le déploient en présentiel, proposant autour d'une table les principes d'animation pensés pour fonctionner à distance. Ils ajoutent des cartes, testent des éléments que j'avais seulement envisagés sur le wiki partagé de la communauté, dont une extension sur le numérique.
Allier numérique et low-tech ?[modifier]
Le numérique, s'il ne peut pas être qualifié de low-tech, soulève des questionnements dont les enjeux se recoupent avec ceux des low-techs. Pour moi, pas question de mélanger les deux : pas de numérique dans les low-techs, les deux mondes s'opposent. Pour autant, les réflexions sur les techniques, à bien des égards, partagent des points essentiels dans ces deux domaines. Et, paradoxalement, beaucoup de personnes du milieu low-tech, dont moi-même, proviennent de la sphère du numérique. A tel point qu'il semble difficile de parler de systèmes ouverts, une des branches de la low-tech, sans évoquer le mouvement des logiciels libres. Cette connivence entre les préoccupations de ces deux sphères irréconciliables éthiquement provoque au sein du milieu low-tech un bloubiboulga conceptuel avec lequel certains auteurs s'arrangent aisément mais qui a le don de m'exaspérer. La pensée low-tech se trouve paralysée par une ambivalence et une dissonance perpétuelle entre l'attrait pour les techniques numériques et son incompatibilité avec une vision radicale à même de préserver le vivant.
Premier problème : comment fertiliser la réflexion indispensable sur le numérique avec la pensée issue du mouvement low-tech sans mélanger les concepts dans une soupe indigeste ?
Vers un système d'extensions[modifier]
Le deuxième écueil provient du nouveau système de jeu mis en place : un cercle noir central regroupe six problématiques majeures de la société industrielle. Du centre du cercle jaillissent six branches sur lesquelles se positionnent les cartes noires problématiques, puis, en s'éloignant du centre les cartes oranges correspondant à des pistes partielles relevant d'une soutenabilité faible insuffisante. A l'extérieur du cercle, au bout des branches, les cartes vertes établissent les principes de la low-tech. L'idée s'impose peu à peu de créer des extensions sur ce système de jeu, spécialisées chacune par thématique. Par exemple, jardinage, alimentation. L'extérieur du cercle s'étend à volonté par définition.
La carte "fauchage à la main" y trouve sa place naturellement. Mais comment ajouter des cartes sur l'informatique, puisqu'elles n'appartiennent pas au cercle vert low-tech ? Solution envisagée : les cartes des extensions se positionneraient sur n'importe quel cercle. Ce placement sur la bonne branche et à la bonne distance du centre devient ainsi l'enjeu de la phase d'extension. La discussion autour du choix de la couleur participerait à la réflexion collective enrichissante pour tous.
La low-tech en conclusion, pas comme préalable[modifier]
Ces deux nouvelles perspectives : réunir les concepts éthiques pour la réflexion sur des technologies différentes et ouvrir les discussions sur des choix technologiques de radicalité graduée m'amène à l'idée que la low-tech doit être la conclusion du dispositif et non son préalable. La radicalité low-tech ne permet pas de sensibiliser certains publics sans pervertir le concept.
Émerge ainsi l'envie de proposer un outil exposant la logique low-tech sans fard ainsi que d'autres concepts positionnables en fonction de leur pertinence éthique. Clairement, dans la pensée low-tech, le numérique est insoutenable et cela doit se visualiser. Évoquer le digital de manière cohérente impose ainsi d'exposer les enjeux distinctement et sans confusion. Dans des sphères séparées, mais sur des branches éthiques graduées communes.
Dans cette optique, et à cet état de cheminement logique, la fresque des low-techs simplifiée, remixage initial de la fresque des low-techs, se métamorphose en "toile des Techs". Avec pour ambition de proposer autant de déclinaisons sectorielles que nécessaire. Le choix de ce nom se voit renforcé par l'ambiguïté maintenue entre technique et technologie ainsi que par la consonance de "la toile des Techs" détox.
Une liberté permise par la licence CC BY SA[modifier]
Ce renommage, en plus de présenter l'avantage de ne pas contenir la conclusion dans le titre de l'outil, déconditionnant ainsi son usage, permet de disjoindre clairement la toile des Techs de la Fresque des low-techs dont elle s'inspire initialement. De ce fait, le développement des deux outils ne se voit plus imposer des règles identiques, ce qui me permet de libérer intégralement la toile, quand la communauté gérant la fresque des low-techs conserve certaines réticences à le faire.
Je voudrais conclure en soulignant que seule une licence libre telle que CC By SA permet de générer une telle évolution d'un dispositif pédagogique aboutissant à son envol et son émancipation. En tant que membre de la communauté de la fresque des low-techs, j'ai plaidé pour l'utilisation de cette licence en exposant clairement dès le début mon ambition de proposer une version divergente. Je crois qu'aujourd'hui cette expérience plaide pour l'ouverture. Libérer vos outils, et de nouveaux papillons s'envoleront dans le ciel de la sensibilisation pédagogique, au service des connaissances partagées.