« Technodiversité » : différence entre les versions
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Version du 12 mars 2025 à 06:35
La technodiversité désigne la diversité culturelle des pratiques techniques.
Imposer depuis l'extérieur une solution technique ne respectant pas les particularités spécifiques d'une population s'assimile à un néo colonialisme.
Pauline Picot. Techno-logies de l'Anthropocène. Epistémologie de la technodiversité. Philosophie. Université de Technologie de Troyes, 2024. Français
"Du point de vue physique, la technosphère et l’environnement sont parfaitement analogues : toutes deux ont une spatialité, sont constitués de stocks de matière et traversés de flux. Cette même description instaure une continuité entre les deux objets." (p38)
"Puisqu’il s’agit de substances synthétiques, les flux entrant dans la technosph`ere corres- pondent aux quantit´es produites annuellement de ces substances. Une fois ≪ entrées ≫ dans la technosphère, trois possibilit´es sont ouvertes : une persistance dans la technosph`ere sous la forme de stocks, l’élimination ou la transformation en flux sortants."
Les flux entrants, les stocks ”technosph`eriques” et finalement les ´emissions sont quan- tifi´es et diff´erenci´es selon les secteurs industriels et biens de consommation dans lesquels ces mol´ecules sont utilis´ees (textile, chaussures, peintures, revˆetements de murs...). Souvent, l’´etude s’arrˆete l`a : le but est de documenter les flux sortants, qui constituent une pollution, afin de pouvoir rem´edier `a celle-ci.
Cosmotechnique
La technodiversit´e est la cons´equence de la th`ese maˆıtresse de Yuk Hui : la pluralit´e m´etaphysique du concept de technique. Cette pluralit´e est solidaire de la pluralit´e de cos- mologies, d’ordres du monde : toute technique s’inscrit n´ecessairement dans une cosmologie particuli`ere, toute technique est cosmotechnique. Yuk Hui d´ecrit ainsi la cosmotechnique : Pour donner une premi`ere d´efinition de la cosmotechnique, je dirai qu’elle ren- voie `a l’union de l’ordre cosmique et de l’ordre moral `a travers des activit´es tech- niques (bien que l’expression ordre cosmique soit elle-mˆeme tautologique puisque le mot grec kosmos signifie ordre). (Yuk, 2021, p56, les emphases sont d’origine) Il nous faut insister sur le fait que cette ≪ union ≫ n’est pas la mise en rapport post´erieure d’ordres cosmiques et moraux par une technique qui existerait a priori par ailleurs. Yuk Hui parle d’≪ union organique ≫ : chacun des termes existe pour les autres, et ne peut ˆetre isol´e des autres. Par cons´equent, toute cosmotechnique est n´ecessairement normative car toujours en prise `a un ordre moral. Yuk Hui d´emontre l’omnipr´esence de cette union dans la tradition philo- sophique chinoise, la pr´esence explicite continuelle d’une cosmotechnique. (p168)
L’agronomie illustre l`a tout `a fait la cosmologie occidentale
telle qu’identifi´ee par Yuk Hui : une pr´e´eminence de la g´eom´etrie et avec elle surtout, l’id´ee de lois de la nature universelles et connaissables. De ce parti pris ´epist´emologique, Cohen tire deux cons´equences, qui font de l’agronomie une parfaite cosmotechnique. La premi`ere est un glissement d’un ≪ r´eductionnisme heuristique ≫ `a un ≪ r´eductionnisme prescriptif ≫ Cohen (2017) : le recours au mod`ele r´eduit pour l’exp´erimentation et la produc- tion de savoirs scientifiques devient le mod`ele `a reproduire non plus dans un but ´epist´emique mais dans un but productif. L’agronomie prescrit la r´ealisation de sa norme : une ≪ agrofor- mation ≫.(p178)
L’agronomie, science qui veut d´ecouvrir les lois de l’agriculture, devient technologie qui veut produire ces lois, ou plus pr´ecis´ement produire les conditions d’existence de ces lois. C’est une contradiction : s’il existe des lois de la nature, il n’y a pas de sens `a devoir construire cette nature. C’est l`a que l’agronomie se fait cosmotechnique : l’agronomie-technologie (l’agro- formation) soutient, voire cherche `a faire advenir l’agronomie-cosmologie (la science) alors mˆeme que celle-ci justifie et donne sens `a l’agroformation. Technologie et cosmologie sont ≪ organiquement ≫ unies. La seconde cons´equence ´epist´emologique tir´ee par Cohen (2017) concerne directement la normativit´e de cette cosmotechnique. Cette agroformation constitue pour la biodiversit´e, une destruction `a double titre, d’une part en raison de la destruction syst´ematique des milieux ´ecologiques qu’elle suppose. Rappelons que cette destruction est la premi`ere cause du d´eclin de la biodiversit´e `a ´echelle mondiale
Par suite, nous consid´ererons ”technologie” et ”cosmotechnique” comme des concepts sym´etriques : ”cosmotechnique” d´esigne une conceptualisation particuli`ere de la technologie avec sa normativit´e tandis que ”technologie” r´ef`ere `a la continuelle tension entre (cosmo)logos et techn`e. (p188)
La technodiversit´e est donc normative en tant qu’elle
s’oppose `a tout projet universalisant, `a toute n´egation ou inconscience de ce caract`ere nor- matif. Pour cela, la technodiversit´e est d’abord diversit´e normative.(p189)
Référence
"S’il est nécessaire de s’attaquer aux positions économiquement dominantes des géants de la technologie, le véritable défi est d’ordre culturel. Comme l’expliquait Innis, pour maintenir leur hégémonie, les personnes au pouvoir doivent « standardiser » autant que possible les outils et méthodologies de communication. Et cela se traduit inévitablement par un appauvrissement de la diversité."
"Google a annoncé en novembre 2020 que Google Ads, élément essentiel pour quiconque souhaite faire des affaires sur Internet, ne prendrait en charge que 49 langues, dont plus de la moitié sont européennes. Or, selon Ethnologue, site encyclopédique de référence recensant les langues du monde, on dénombre plus de 7 000 langues vivantes à ce jour, ce qui signifie que même l’entreprise numérique la plus puissante du monde ne peut représenter qu’un pourcentage réduit de la diversité linguistique de notre planète."
"S’il est vrai que le pouvoir a besoin de concentration et de contrôle, il est tout aussi vrai que la biodiversité culturelle est une condition nécessaire au maintien de la vie sur notre planète. Elle est notre assurance-vie, et nous aurons de plus en plus besoin de la technodiversité pour assurer sa défense."
"la technodiversité est le droit de contrôler son propre « corpus numérique », de lutter contre le colonialisme numérique et de favoriser des solutions respectueuses de l’écologie, des cultures et des langues"
"le fait de s’attaquer au déséquilibre technologique actuel entre le Nord et le Sud de la planète ne peut consister à transférer des technologies du Nord dans le but d’accélérer la subtilisation de données, puis de transformer le Sud en une déchetterie technologique. Il est nécessaire d’encourager le développement de technologies locales durables et respectueuses de la diversité linguistique, culturelle et biologique."
https://courier.unesco.org/fr/articles/la-technodiversite-outil-cle-de-la-decolonisation-numerique
"Forgé sur le modèle « biodiversité » (1986), le mot « technodiversité » signifie implicitement qu’elle est porteuse d’un avantage adaptatif pour répondre aux incertitudes extérieures (au même titre que la diversité génétique procure à une espèce vivante un avantage adaptatif en cas de changement de l’environnement). Sur cette base, Werner Rammert vise à définir une politique technologique préservant la technodiversité."
"En discutant avec nos collègues de pays lointains, on se rend compte que c’est un enjeu majeur : ces collègues sont ravi·es d’avoir accès à des ressources gratuites, bien entendu, mais parlent de néocolonialisme qui se met en place quand la seule option est d’utiliser livres et manuels tels quels."[1]
NATM
"The Non Aligned Technologies Movement (NATM) is a coalition for the purposeful implementation of digital technologies in a way that affirms each community’s power of self determination and governance. We aim to become a worldwide alliance of civil society organizations (in collaboration with allied players from the public and private sector) that seek to define and claim technosocial spaces beyond the profit-motivated model of Silicon Valley and the control-motivated model of the Chinese Communist Party, the two centers of power of a new colonial extractivist order." https://nonalignedtech.net/
Références
- ↑ Chaire UNESCO RELIA, Comment garantir les deux “R” qui fâchent…, https://chaireunescorelia.univ-nantes.fr/2024/10/30/comment-garantir-les-deux-r-qui-fachent/