Travail aliénant et automatisation
L'industrialisation s’appuie sur l’automatisation pour réduire le travail humain à des micro-tâches spécialisées.
Cette course à la performance provoque une surenchère technologique auto-accroissante au détriment des travailleurs.
La technique devient un ensemble indivisible, un fait total dans lequel l'humain n'est qu'un rouage.
Citations[modifier]
du mode d'existence des objets techniques[modifier]
- "le rapport du travailleur est inadéquat, car le travailleur opère sur la machine sans que son geste prolonge l'activité d'invention. La zone obscure centrale caractéristique du travail s'est reportée sur la machine [...] l'homme connait ce qui entre dans la machine, ce qui en sort, mais non ce qui s'y fait : en présence même de l'ouvrier s'accomplit une opération à laquelle l'ouvrier ne participe pas, même s'il la commande ou la sert. [...] L'aliénation du travailleur se traduit par la rupture entre le savoir technique et l'exercice des conditions d'utilisation [...] Or, l'activité de réglage est celle qui prolonge le plus naturellement la fonction d'invention et de construction : le réglage est une invention perpétuée, quoique limitée." [1]
Résonance, une sociologie de la relation au monde[modifier]
- "Tout dans la vie dépend de notre relation au monde"[2]
- "L'exercice d'une activité fait notre joie et notre bonheur lorsqu'elle porte en elle-même la fin qui la détermine"[3]
- "Le temps que nous consacrons à des activités qui nous rendent heureux s'amenuise à mesure qu'augmente notre statut social et nos ressources"[4]
- "Ce n'est pas la richesse de nos ressources et de nos options qui fait que notre vie est réussie en elle-même mais [...] le fait que nous l'aimions [...]. Dans ce lien d'amour, quelque chose comme une corde se met à vibrer entre nous et le monde."[5]
Éloge du carburateur, essai sur le sens et la valeur du travail[modifier]
- "Partout où cette séparation de la pratique et de la pensée a été mise en œuvre, il s'en est suivi une dégradation du travail."[6]
- "La dégradation du travail est une question coginitive, qui s'entraîne dans la séparation entre le faire et le penser."[7]
- "La conception du travail est désormais élaborée à distance du travailleur qui l'exécute."[8]
- "S'interroger sur le sens du travail manuel, c'est en fait s'interroger sur la nature de l'être humain. Pour comprendre ce qu'est une manière d'être spécifiquement humaine, il faut comprendre l'interaction manuelle entre l'homme et le monde."[9]
- "C'est justement cette expérience d'une vie vécue par télécommande qui exaspère l'esprit indépendant."[10]
- "Une des principales sources de fierté que peut apporter le travail est l'exécution intégrale d'une tâche susceptible d'être anticipée intellectuellement et contemplée comme un tout une fois achevée. Mais dans la plupart des emplois liés à une grande organisation, le travail effectué par l'individu n'a pas de sens pris isolément."[11]
Voir aussi[modifier]
Travail précaire[modifier]
Olivier De Schutter (rapporteur spécial sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme) : « Alors que le chômage peut augmenter le risque de troubles mentaux, il a été démontré que le travail précaire conduit à des résultats encore pires en matière de santé mentale (…) Il est choquant de constater que dans l'économie [des petits boulots] actuelle, qui fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, on court moins de risques de santé mentale en étant au chômage qu'en acceptant un emploi (…) Notre obsession de la croissance a créé une économie de l'épuisement, une course à l'augmentation des profits d'une petite élite dans laquelle des millions de personnes ont été rendues trop malades pour courir ».[12]
Salaire à vie ? [13]
Conditionnement technique[modifier]
Notion de conditionnement, quand la machine programme l'humain. Voir cybernétique.
"L’activité cognitive de pilotage réside moins dans le cerveau des pilotes que dans le système qui inclut des humains, des artefacts et des objets. Toute la stratégie d’analyse développée par le courant de la cognition distribuée (Hutchins, 1995) consiste à partager les représentations et les valeurs qui orientent l’action commune entre les personnes et l’environnement sociotechnique dans lequel elles agissent. Cette perspective a connu un développement important dans les approches de sociologie des sciences, insistant sur le fait que les dispositifs techniques incorporaient des principes, des valeurs ou des politiques qui étaient activés lorsque les personnes interagissaient avec eux (Winner, 1986 ; Latour, 1994 ; Lessig, 2000). "
"Avec son style d’écriture, ses pages de discussion, son système de traçabilité des contributions et des effacements, ses bandeaux d’alerte, ses balises notifiant les manquements aux principes de l’encyclopédie, etc., le wiki, véritable interface morale, enferme les ressources nécessaires à l’accomplissement de comportements orientés vers la production du savoir. Les wikipédiens ne sont pas, d’un seul mouvement et par eux-mêmes, des encyclopédistes nés. C’est le wiki qui les rend encyclopédistes. Cette performativité de l’interface se révèle tout particulièrement lorsque l’on observe la trajectoire des internautes au sein de la communauté (Bryant, Forte, Bruckman, 2005). Leur carrière d’encyclopédiste débute souvent pour des raisons personnelles, utilitaires et contingentes : corriger une faute en passant, compléter un article par des sources nouvelles, rédiger l’article manquant sur un sujet qui les concerne ou les passionne… Ce n’est que très progressivement, en se plongeant dans le jeu des interactions, des corrections, de la veille sur ses articles et ceux des autres, que certains s’engagent plus activement dans le travail collectif de l’encyclopédie en ligne et revendiqueront l’identité de « wikipédien ». La reconnaissance et l’intériorisation des valeurs de la communauté sont des effets émergents des interactions en ligne davantage qu’elles ne sont des préalables à l’engagement (Aguiton, Cardon, 2007b). "
Surveiller sans punir. La gouvernance de Wikipédia - Dominique Cardon https://books.openedition.org/pupo/4092
Prolétarisation[modifier]
« La prolétarisation, c’est historiquement la perte du savoir du travailleur face à la machine qui a absorbé ce savoir. Aujourd’hui, la prolétarisation, c’est la standardisation des comportements à travers le marketing et les services, et la mécanisation des esprits par l’extériorisation des savoirs dans des systèmes tels que ces “esprits” ne savent plus rien de ces appareils de traitement de l’information qu’ils ne font plus que paramétrer : c’est précisément ce que montre la mathématisation électronique de la décision financière. Or cela affecte tout le monde : employés, médecins, concepteurs, intellectuels, dirigeants. De plus en plus d’ingénieurs participent à des processus techniques dont ils ignorent le fonctionnement, mais qui ruinent le monde » (Stiegler, 2011).
Asservissement machinique[modifier]
- GOUVERNEMENTALITÉ ALGORITHMIQUE ET PERSPECTIVES D’ÉMANCIPATION
Le disparate comme condition d’individuation par la relation ? Antoinette ROUVROY Thomas BERNS
Maurizio Lazaratto résume par ailleurs assez bien la manière dont les sémiotiques a-signifiantes, dont le comportementalisme numérique est exemplaire, produisent l’asservissement machinique, plutôt que l’aliénation subjective :
« Si les sémiotiques signifiantes ont une fonction d’aliénation subjective,
d’“assujettissement social”, les sémiotiques a-signifiantes ont une fonction
d’“asservissement machinique”. Les sémiotiques a-signifiantes opèrent une
synchronisation et une modulation des composantes pré-individuelles et
pré-verbales de la subjectivité, en faisant fonctionner les affects, les perceptions, les émotions, etc., comme des pièces, des composantes, des éléments
d’une machine (asservissement machinique). Nous pouvons fonctionner tous
comme des composants d’input/output de machines sémiotiques, comme de
simples relais de la télévision ou d’Internet, qui font passer et/ou empêchent
le passage de l’information, de la communication, des affects. À la différence des sémiotiques signifiantes, les sémiotiques a-signifiantes ne connaissent ni
les personnes, ni les rôles, ni les sujets. […] Dans le premier cas, le système
parle et fait parler. Il indexe et rabat la multiplicité des sémiotiques pré-signifiantes et symboliques sur le langage, sur les chaînes linguistiques, en privilégiant ses fonctions représentatives. Tandis que, dans le deuxième cas, il ne
fait pas de discours, il ne parle pas, mais il fonctionne, il met en mouvement,
en se connectant directement sur le “système nerveux, sur le cerveau, sur
la mémoire, etc.” en activant des relations affectives, transitivistes, transindividuelles difficilement attribuables à un sujet, à un individu, à un moi »
(Lazaratto, 2006).
"Paradoxalement, en probabilisant la totalité de la réalité (qui semble devenir
comme telle le support de l’action statistique) et en paraissant désubjectiver
cette perspective probabilitaire (laquelle ne s’embarrasse plus d’hypothèse
préalable), bref, en se donnant ainsi la possibilité de gouverner les comportements sans s’occuper directement des individus pour se contenter de gouverner à partir d’une expression statistique de la réalité qui parviendrait à
tenir lieu de réalité (la perspective d’un comportementalisme numérique), le
gouvernement algorithmique continue d’absolutiser l’individu (même s’il est
abordé « en creux », comme ce que les relations permettent d’éviter) et en
même temps le déréalise au sens où il n’est plus que relatif à des suites de
mesures qui elles-mêmes font office de réalité et donc sans pour autant qu’apparaisse le caractère subjectif de ces mesures."
Impact social des techniques[modifier]
"Les techniques auraient un impact sur le social parce qu’il y aurait une incorporation de rapports sociaux dans leur constitution matérielle. Expression d’une matérialisation du social, elles ont une influence car elles sont porteuses de choix sociaux et organisationnels. La technique prolongerait le développement politique de la société ; elle serait la matérialisation de l’organisation sociale et politique de la société. Ainsi, le capitalisme a permis l’émergence de la machine à vapeur qui elle-même a modifié les modes de fabrication. La technologie, combinée à d’autres modalités organisationnelles, peut alors être considérée comme un instrument de contrôle social structurant les modes de travail et les entreprises. Cette alternative au déterminisme technologique propose une relation inversée : le social serait producteur de la technique qui, par incorporation du social (culture des organisations, objectifs ou intérêts des producteurs de technologies), agirait sur le social (voir Construction sociale des technologies). [...] Les techniques ont une influence sur le social parce qu’elles incorporent des designs organisationnels et des éléments culturels présents tout au cours de leur élaboration : leur appropriation conduit à des recompositions institutionnelles puisque des acteurs sociaux modulent les technologies et les organisations."[14]
Références[modifier]
- ↑ Gilbert Simondon, du mode d'existence des objets techniques - 1958 - édition Aubier 1989, p249
- ↑ Hartmut Rosa - Résonance, une sociologie de la relation au monde, p13
- ↑ Hartmut Rosa - Résonance, une sociologie de la relation au monde, p14
- ↑ Hartmut Rosa - Résonance, une sociologie de la relation au monde, p15
- ↑ Hartmut Rosa - Résonance, une sociologie de la relation au monde, p15
- ↑ Éloge du carburateur, essai sur le sens et la valeur du travail, Matthew B.Crawford (2009), p47
- ↑ Éloge du carburateur, essai sur le sens et la valeur du travail, Matthew B.Crawford (2009), p48
- ↑ Éloge du carburateur, essai sur le sens et la valeur du travail, Matthew B.Crawford (2009), p48
- ↑ Éloge du carburateur, essai sur le sens et la valeur du travail, Matthew B.Crawford (2009), p78
- ↑ Éloge du carburateur, essai sur le sens et la valeur du travail, Matthew B.Crawford (2009), p84
- ↑ Éloge du carburateur, essai sur le sens et la valeur du travail, Matthew B.Crawford (2009), p179
- ↑ « L’économie du burnout : pauvreté et santé mentale » https://documents.un.org/doc/undoc/gen/n24/210/40/pdf/n2421040.pdf
- ↑ Revenu inconditionnel ou salaire à vie ? https://www.reseau-salariat.info/dossiers/d41d2d148de9ab56fdc69409d90a9a25/
- ↑ Déterminisme technologique, Pierre Doray et Florence Millerand, https://books.openedition.org/pum/4280